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Sens collectif et construction collective du sens

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  • Florence Allard-Poesi

    (IRG - Institut de Recherche en Gestion - UPEM - Université Paris-Est Marne-la-Vallée - UPEC UP12 - Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne - Paris 12)

Abstract

La question de la nature et du processus de construction du sens dans les organisations mobilise depuis le début des années 80 l'attention de nombreux chercheurs : Comment les membres de l'organisation font-ils sens des situations auxquelles ils sont confrontés (Porac et al., 1989 ; Walton, 1986 ; Isenberg, 1986a, par exemple) ? Comment ces différentes visions se forment-elles, évoluent-elles au gré des changements de l'environnement (Isabella, 1990 ; Huff, 1990 ; Barr, 1998) ? Quel lien peut-on établir entre ces différentes visions et les comportements des acteurs dans l'organisation (Conlon et Stone, 1992 ; Gioia et al., 1989 ; Gioia et Sims, 1986), les décisions et choix stratégiques entrepris, et plus largement, les actions et la performance de l'organisation (Thomas et al., 1993 ; Bourgeois, 1990)? Ces travaux s'inscrivent, pour la plupart, dans une approche cognitive de l'organisation. Cette perspective place au centre de son objet l'étude des phénomènes de cognition individuelle et sociale, étude qui doit permettre de mieux appréhender les interprétations développées par les managers, les processus de décision, l'action et la performance de l'organisation, la crise, le changement et l'apprentissage (Johnson, 1986). Dans ces recherches, le niveau collectif de la cognition est appréhendé de manière privilégiée au travers de la notion de représentation collective –ou schéma cognitif collectif, partagé. Ces systèmes d'idées, partagés à des degrés divers, influenceraient en effet les membres de l'organisation de sorte que leurs comportements conviennent à ses objectifs (Allaire et Firsirotu, 1988). Ils nécessiteraient de fait une attention toute particulière pour qui cherche à maintenir la cohésion de l'organisation (Pfeffer, 1981; Pettigrew, 1979 ; Sapienza, 1985), induire son changement (Schwenk, 1989; Bartunek, 1984; Nystrom et Starbuck, 1984), ou favoriser son apprentissage (Hedberg, 1981; Fiol et Lyles, 1985; Bettis et Prahalad, 1995). Ces différents travaux s'inscrivant dans cette perspective cognitive du sens collectif dans les organisations ont plus récemment fait l'objet de nombreuses critiques (voir Allard-Poesi, 1998, pour une revue), notamment en ce qu'ils occultent, derrière la notion de partage, les questions de la nature et du processus d'émergence de tels système d'idées : Comment concevoir le sens collectif dans les organisations ? Quelle en est la dynamique d'émergence et d'évolution ? Les travaux de Weick apportent un éclairage particulièrement riche et original sur ces questions : - D'abord en inscrivant la question du sens collectif dans une problématique plus large ayant trait à la constitution d'un système d'actions organisées. Ce déplacement conduit Weick à reformuler la question du sens dans les organisations pour l'envisager de manière processuelle. C'est ainsi la question de l'élaboration collective du sens qui retient toute son attention : Comment les individus donnent-ils sens à une situation et à leurs actions de sorte qu'un système d'actions collectives se développe et se maintienne ? Cette reformulation l'amène à considérer les interactions et l'interrelation des comportements individuels comme lieu privilégié d'élaboration du sens. Le processus de construction collective du sens doit ainsi être conçu comme étant intrinsèquement lié aux interactions impliquées entre deux participants et plus (Weick, 1979 : 89-90). Par leurs activités de communication quotidienne en effet, les individus parviendraient à développer des attentes compatibles autour de questions d'intérêts communs, convergence qui leur permettrait de coordonner leurs comportements et ainsi d'agir ensemble. - En distinguant ensuite ces processus collectifs de construction d'un résultat qui serait forcément collectif. S'appuyant sur les notions d'équivalence mutuelle et de structure collective, Weick considère que le processus d'élaboration d'un système d'actions organisées n'implique ni ne nécessite que les individus développent un sens collectif de ces actions et situations auxquels ils sont confrontés (Weick, 1979 : 91, 98 ; Weick et Bougon, 1986 : 111). Le partage ou la similarité des représentations des participants des problèmes à résoudre n'est ainsi pas nécessaire au développement et au maintien d'un système d'actions organisées. Weick se démarque donc fortement de l'approche cognitive de l'organisation qui voit ce sens collectif comme une précondition à l'action organisée : Construction collective du sens (collective sensemaking) ne signifie pas construction d'un sens collectif (Collective or shared meaning, Weick, 1979 ; 1995a). - En proposant enfin une vision profondément renouvelée de l'élaboration collective du sens. Pour Weick, c'est en effet principalement le degré auquel la situation est perçue comme équivoque qui devient la dimension explicative clé de l'élaboration collective du sens (Koenig, 1996a). Les dynamiques d'influence, de négociation et de débats durant les interactions et les contenus mobilisés par les acteurs pour faire sens des situations (paradigmes, théories de l'action, histoires...) en particulier, prendront des formes différenciées en fonction de cette dimension. Weick propose ainsi une vision dynamique, « tensionnelle » et complexe de l'élaboration collective du sens, vision qui constitue un apport essentiel en même tant qu'une réelle difficulté. Notre propos ne saurait ici en épuiser toute la richesse et la complexité. Ce chapitre se veut une lecture transverse, et si possible intégrative, des principaux travaux de Weick sur la construction collective du sens. Nous exposons dans un premier temps la conception weickienne du système d'actions organisées et la notion de sens collectif (collective meaning) en son sein (Partie 1). Nous présentons ensuite le modèle d'élaboration collective du sens (collective sensemaking) dans des cycles de comportements interreliés proposé dans The Social Psychology of Organizing (1979), en soulignant le rôle central de l'équivocité perçue de la situation (Partie 2). Dans un troisième temps, ce modèle est complété au travers d'une réflexion sur les ressources et contenus mobilisé par les acteurs dans la construction collective du sens et les dynamiques d'influence dans ces processus (Partie 3), aspects plus particulièrement développés par l'auteur dans Sensemaking in Organisations (1995). Dans un souci de clarté, des illustrations sont parfois proposées. Certaines d'entre elles sont tirées de l'histoire de la société Cooper (Johnson, 1988, repris par Koenig, 1990). Les autres sont issues d'une recherche portant sur l'émergence de représentations collectives dans les petits groupes de travail (Allard-Poesi, 1997 ; 2001).

Suggested Citation

  • Florence Allard-Poesi, 2003. "Sens collectif et construction collective du sens," Post-Print hal-01495076, HAL.
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    Cited by:

    1. Rémi Mougin & Mickaël David & Patricia Coutelle, 2023. "The necessity of sensemaking on the construction of the organizing vision: the case of a health IS project [La nécessité du sensemaking sur la construction de la vision organisante : le cas d'un pr," Post-Print hal-04117311, HAL.
    2. Céline Averseng & Christine Marsal, 2018. "Comment réduire l'équivocité d'un MOOC ? Le cas de 3 MOOC en sciences de gestion," Post-Print hal-03128452, HAL.
    3. Mar Pérezts & Jean-Philippe Bouilloud & Vincent Gaulejac, 2011. "Serving Two Masters: The Contradictory Organization as an Ethical Challenge for Managerial Responsibility," Journal of Business Ethics, Springer, vol. 101(1), pages 33-44, March.

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