Le Pilotage Des Politiques Européennes : Un Management Sous Injonctions Paradoxales

Diversité culturelle et multilinguisme constituent des atouts fortement ambivalents de L'Union européenne. A l'image d'une mosaïque ordonnée de cultures millénaires que véhiculent les représentations officielles, se superposent celles de cohabitations chaotiques et de rapports de forces inavoués. L'administration de la Commission n'échappe pas à cette règle. Elle en offre même un exemple particulièrement représentatif. Entre l'adhésion à la dynamique d'intégration communautaire, qu'impliquent leurs fonctions, et les forces de rappel de leurs identités nationales, les fonctionnaires européens sont tiraillés par des logiques contradictoires Les services de la Commission sont une administration hétérogène, au positionnement ambigu. Le processus décisionnel de l'Union européenne est aujourd'hui marqué par la rupture de l'équilibre initial des pouvoirs entre les trois pôles de décision. Dans le traité de Rome, la Commission incarnait la dimension supranationale de la Communauté et assurait l'essentiel de l'impulsion des politiques nouvelles. La situation actuelle est radicalement différente. Le Conseil, qui se réunit quatre fois par an au niveau des chefs d'État et de gouvernement, sans que cela se substitue aux réunions de niveau ministériel, est devenu à la fois le centre d'impulsion et l'instance décisionnelle majeure. Le Parlement, élu au suffrage universel, exerce un contrôle effectif sur l'action de la Commission et partage avec le Conseil l'essentiel des pouvoirs législatifs. Face à ces deux instances sensiblement renforcées par rapport au traité de Rome, la Commission a perdu une bonne part de son influence et de ses marges de manœuvre et ses services font l'objet d'incessants procès en légitimité. Face à ces remises en cause, leur réflexe naturel a été de se replier sur les compétences les mieux assurées, c'est à dire les pouvoirs normatifs garantis explicitement par les traités, au détriment des ambitions stratégiques et des dynamiques de projet. Il en résulte un inexorable renforcement des dimensions juridiques et procédurales des cultures administratives en présence. De multiples conflits de rationalité multiples en découlent, comme la contradiction entre une gestion bureaucratique des ressources humaines et les principes du management interculturel qui devraient prévaloir. Dans ces conditions, le management des politiques communautaires est soumis à des injonctions paradoxales, au sens que Gregory Bateson et l'école de Palo Alto ont donné à cette expression. Cette Europe malade de son management adopte des attitudes de plus en plus schizophréniques.