Nouvelle dynamique des marchés du travail réglementés à l'aune de trois professions

Cet article propose d'étudier la dynamique d'évolution de certains marchés du travail fermés. De nombreux indices laissent à penser que plusieurs de ces marchés subissent sur la période récente de profondes transformations qui se traduisent notamment par l'adoption de nouvelles règles de fonctionnement permettant de répondre aux tensions rencontrées sur ces marchés tout en assurant le maintien de leur "fermeture" . Cette dynamique se réalise suivant des modalités variées, conjuguant l'augmentation des flux d'entrée, l'ouverture à de nouveaux publics, une réforme des systèmes de formation, des formes renouvelées de mobilité en cours de carrière, ou bien encore des changements importants dans la professionnalisation des métiers correspondants. Ces changements sont particulièrement visibles sur les marchés du travail des professions réglementées par la loi auxquels l'article s'intéresse plus particulièrement. A l'heure de la libre prestation de services, de la libre concurrence et de la libre circulation des travailleurs dans l'espace communautaire, la réglementation des services offerts et le mode d'accès à ces marchés du travail suscitent immanquablement de nombreux débats et analyses.Pour illustrer ces changements, nous proposons d'étudier trois professions réglementées, en apparence fort éloignées, mais qui sont soumises à des tensions qui les obligent à revoir, suivant des logiques voisines, leur mode de régulation, d'ajustement et de professionnalisation. Ces trois professions sont celles des marins pêcheurs, des infirmières et des experts comptables. Leur point commun réside dans les règles qui en contrôlent l'accès ; celui-ci n'étant possible qu'aux titulaires d'une certification bien définie et obligatoire. Bien que ces tensions se cristallisent dès l'entrée, principalement sous forme de difficultés à recruter, celles-ci ne traduisent pas seulement des déséquilibres entre offres et demandes mais révèlent aussi les limites actuelles de formes institutionnelles spécifiques qui ne trouvent plus à s'optimiser dans un environnement économique et démographique renouvelé. Aussi, ces tensions ne doivent-elles pas être considérées du seul point de vue quantitatif d'une conjoncture démographique défavorable, qu'une meilleure gestion anticipée des flux viendrait régler. Elles supposent également de revoir les règles qui sous-tendent le fonctionnement de ces marchés, et qui ne paraissent plus adaptées aux enjeux actuels de renouvellement, de professionnalisation et d'harmonisation européenne. Pour autant, comme nous tenterons de le montrer, les changements qui affectent certaines règles ne remettent pas en cause le caractère fermé de ces marchés. Les barrières à l'entrée, qui contrôlent l'accès à ces professions, demeurent présentes, voire se renforcent. Aussi, si nous parlons d' "ouverture" c'est plus pour marquer certaines ruptures dans les pratiques de gestion des recrutements ou des mobilités, et pour souligner la volonté des acteurs de rechercher, entre les règles, des marges de souplesse.