Michel Crozier et Erhard Friedberg – Une sociologie de l’action organisée

Reposant sur une expérience sans égale d'observation et d'analyse empirique des entreprises et des organisations, les travaux de Michel Crozier et Erhard Friedberg marquent un tournant dans la sociologie française. Leur tour de force fut, comme pour beaucoup de révolutions, de déplacer le regard des observateurs vers un nouvel objet : l'organisation. En détournant l'attention des concepts sociologiques traditionnels tels que la famille, l'école, l'État ou les classes sociales (Amblard et al., 2015), ils ont ouvert la voie à une nouvelle « discipline autonome, la sociologie des organisations » (Martin, 2012, p. 94). Et si leurs deux noms restent immanquablement associés à la théorie de « l'acteur stratégique », ils influencèrent également un large public de cadres et décideurs qui eurent abondamment accès à leurs travaux. C'est, en outre, la réflexion plus globale sur le pouvoir et le changement qu'ils menèrent tout au long de leurs publications qui impactera le plus durablement les théories et les pratiques de gestion des ressources humaines (GRH). Michel Crozier et Erhard Friedberg eurent des carrières distinctes. Il nous semblait néanmoins indispensable de les réunir dans cet ouvrage pour deux raisons principales. Tout d'abord c'est, avec L'acteur et le système (1977), leur ouvrage écrit en commun, qu'ils ont le plus profondément influencé la gestion des ressources humaines. Ensuite, leur collaboration, au cœur de leur démarche scientifique, porte en elle-même un message important pour la gestion des ressources humaines…