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Le capitalisme est un système économique reposant historiquement sur une institution centrale : le travail salarié. Ce dernier est souvent présenté comme une relation marchande où s'échangent librement force de travail et rétribution. Pourtant, Karl Polanyi (1944) qualifie le travail salarié de « marchandise fictive », insistant sur le fait qu'en tant que tel, le travail, même salarié, n'est pas un bien produit dans le but d'être vendu sur un marché. Dès lors, interroger la place du travail dans une théorie générale du capitalisme revient à examiner les contradictions qui le sous-tendent, entre condition de soumission et volonté d'émancipation, recherche de rentabilité et quête de reconnaissance. L'un des enjeux fondamentaux de ce cadre réside dans la capacité du travailleur à exprimer une critique du système qui l'encadre. Albert Hirschman (1970) identifie trois réactions face aux défaillances d'une organisation : exit (démissionner, quitter l'entreprise pour le salarié), voice (exprimer une contestation en interne) et loyalty (accepter la situation, donc renoncer à l'action). Dans le monde du travail, l'option de la démission est un privilège que tout travailleur ne peut se permettre, surtout les plus précaires. La prise de parole critique, quant à elle, oscille souvent entre reconnaissance partielle et répression, posant la question du droit à la contestation dans l'entreprise capitaliste. Michel Foucault (1976, 2014) propose un éclairage sur cette problématique avec le concept de parrhèsia, c'est-à-dire un certain franc-parler risqué. L'exemple des lanceurs d'alerte illustre très bien cette tension : s'ils incarnent une prise de parole critique face aux dérives du capitalisme ou de toute défaillance constatée au sein d'une organisation ou d'un dispositif, ils subissent souvent un revers sous forme de sanctions et/ou d'isolement professionnel (Cailleba, 2019). Plus largement, l'organisation managériale tend à absorber la critique en la transformant en un outil d'optimisation interne (Boltanski & Chiapello, 1999 ; Dujarier, 2015), voire en simulacre de démocratie participative (Linhart, 2015). D'un autre côté, Axel Honneth (2024) explore dans Le souverain laborieux la possibilité que le travail puisse être un vecteur d'émancipation pour le travailleur salarié, à condition que ses structures de gouvernance garantissent la participation effective des salariés aux décisions sur le sens et vision de l'entreprise. Cette tension entre travail aliéné et travail potentiellement émancipateur conduit à se demander dans quelle mesure une théorie du capitalisme peut et doit intégrer la critique du travail salarié comme élément structurel (E. Fischback, 2019, 2024 ; E. Renault, 2017), et non comme simple variable de gestion managériale. Notre proposition s'articulera autour de trois axes : (1) Comment la parole du salarié est-elle encadrée, cooptée ou réprimée dans l'entreprise capitaliste ? ; (2) Quels sont les mécanismes qui transforment la critique en outil de gestion plutôt qu'en levier d'émancipation des travailleurs ? ; (3) Quelles conditions permettraient d'instituer un véritable droit à la critique sans qu'il soit absorbé par les logiques managériales ni que le travailleur soit exposé à un quelconque risque ? En mobilisant, entre autres, Polanyi, Hirschman, Foucault et Honneth, on analysera dans cette intervention les tensions entre critique, pouvoir et exploitation dans l'entreprise capitaliste. On s'attardera enfin sur la manière dont une théorie générale du capitalisme peut, et doit, intégrer ces contradictions internes du travail salarié.
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