The digitalisation of agriculture: a desired, imposed or contested trajectory?[La digitalisation de l’agriculture: une trajectoire désirée, imposée ou contestée ?]

Dans de nombreux discours, le développement des technologies numériques promet un avenir meilleur pour les agriculteurs et agricultrices, ainsi que des bénéfices pour la société dans son ensemble (Lajoie-O'Malley et al., 2020). Au-delà des discours, l'agriculture numérique mobilise des acteurs ainsi que des ressources publiques et privées. Le développement du numérique, comme tout changement technologique, implique une transformation multi-dimensionnelle, un ensemble de coévolutions technologiques et institutionnelles (Perez, 1983). Il s'inscrit dans des paradigmes et trajectoires technologiques, influencé par des mécanismes économiques de sélection et de verrouillage (Arthur, 1989; Nelson and Winter, 1982), ainsi que dans des systèmes d'innovation, structurés par des rapports de pouvoir (Amable, 2005; Dockès, 1990). Cette transformation se matérialise par une diversité de réalités, d'usages et d'effets qui viennent eux-mêmes jouer sur la trajectoire technologique (Mahoney and Thelen, 2009). Les usages sont vus ici comme la rencontre de visions (de pratiques, d'organisation du travail, d'objectifs) matérialisées dans des technologies et les institutions qui cadrent leurs usages, et la singularité des pratiques des acteurs et de leur contexte de travail environnemental, socio-économique et technologique. L'objectif de cette communication est de montrer comment se matérialisent, se mettent en place, se négocient ces co-évolutions technologiques et institutionnelles, liées au numérique agricole, dans les pratiques individuelles. Ce travail se base sur des entretiens réalisés avec 98 agriculteurs ayant des grandes cultures en Occitanie. Le terrain a été réalisé en recherchant une diversité de modèles d'exploitation (taille, engagement dans la transition écologique etc.). Les résultats montrent comment le développement du numérique est à la fois : i)Imposé aux agriculteurs, contraints par un ensemble de régulations publiques et privées, dans une logique de contrôle et de surveillance, de standardisation mais aussi d' « écologie de la justification » ii)Désiré voire promu par des professionnels en quête d'un avenir meilleur, pour améliorer les conditions de travail, la qualité du travail, et les performances économiques. iii)Contesté sur des aspects techniques, économiques, politiques ou environnementaux – par des agriculteurs qui défendent d'autres trajectoires sectorielles Ces résultats montrent une hétérogénéité de perceptions, qui révèle des dynamiques institutionnelles et des tensions associées, notamment liées à la manière dont le numérique joue sur les rapports de pouvoir au sein des filières.