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La gestion du surtourisme dans les espaces naturels, entre normalisation et participation

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  • Ionel Fedida

    (LISA - Laboratoire « Lieux, Identités, eSpaces, Activités » (UMR CNRS 6240 LISA) - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique - Università di Corsica Pasquale Paoli [Université de Corse Pascal Paoli])

  • Jean-Marie Furt

Abstract

Les diverses annonces de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) prédisent de manière récurrente une disparition continue de bon nombre d'espèces animales et végétales et la fin inéluctable de la diversité écosystémique. Elles ont longtemps conduit les décideurs publics à adhérer à des stratégies internationales pour la protection du vivant et à proposer au niveau local la création d'espaces naturels protégés soumis à des mesures règlementaires (parcs nationaux, réserves naturelles, grands sites…) ou conventionnelle (PNR, parcs marins,). Ce sont autant de lieux qui attirent une clientèle touristique à la recherche de sites remarquables, voire exceptionnels. Cette affirmation des liens forts entre biodiversité et tourisme a participé de la stratégie de développement de nombreuses destinations touristiques insulaires (Réunion, Corse, Guadeloupe). Il semble qu'aujourd'hui, les effets conjoints du surtourisme (Knafou, 2021) et du réchauffement climatique aient relancé le débat sur les conséquences de cette fréquentation sur le patrimoine naturel et, d'une manière plus générale, sur la nécessité de protéger différemment la « poule aux œufs d'or ». Ces interrogations, voire ces accusations, ne sont pas nouvelles et ont pris diverses formes. Au moment où la société civile commençait à se préoccuper d'écologie, elles visaient le tourisme de masse (Deprest, 1997) et invitaient les acteurs à explorer de nouvelles formes de tourisme qui se transformaient souvent en autant de produits supplémentaires. Ensuite, les critiques plus ciblées ont conduit à appréhender la nature comme un patrimoine, espérant trouver dans une opposition au capital les ressorts économiques et juridiques d'une protection. Dans de nombreux territoires où voisinent des structures qui ont une compétence en matière de patrimoine naturel cela passe par la mise en place de compromis organisationnels. Problématique Notre communication vise à interroger les modalités de la prise de décision sur des territoires soumis à une forte pression touristique et à des gouvernances multiples. Ce sont pour nous des espaces organisés autour de diverses institutions ayant une légitimité technique ou politique et dont les décisions peuvent avoir une incidence sur le développement touristique. Gomez définit la gouvernance d'entreprise comme « l'ensemble des dispositions légales, réglementaires ou pratiques qui délimitent l'étendue du pouvoir et de la responsabilité de ceux qui sont chargés d'orienter durablement l'entreprise…prendre et contrôler les décisions qui ont un effet déterminant sur sa pérennité et sa performance durable » (Gomez, 2018 p.13). L'analyse semble ici porter principalement sur les objectifs à atteindre. Les territoires ne sont pas des entreprises, ils ont à gérer des biens communs et cette gestion mobilise diverses organisations qui auront à arbitrer entre une coopération nécessaire et un intérêt propre (Ostrom, 2010). Selon Le Galès, la gouvernance peut alors être définie comme un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions pour atteindre des buts discutés et définis collectivement. Elle amène…à construire un intérêt général rattaché à un territoire et à mettre en œuvre des stratégies collectives (Le Galès, 2006). On s'intéresse là aux modalités d'action. Nous souhaitons combiner ces deux visions et interroger les processus de coordination, les méthodes de discussion, la réalité de la construction de stratégies collectives sur un territoire qui considère que sa pérennité et sa performance durable passent par la maitrise des flux touristiques. Il faut pour cela articuler, coordonner les objectifs et stratégies de différentes organisations dont la mission fondamentale n'est pas toujours le développement touristique. La gouvernance s'inscrit donc à un double niveau. En interne, sa structuration doit permettre de susciter l'adhésion et de favoriser l'action au travers de la participation du plus grand nombre. Sur le plan territorial et entre les différents pôles de compétence, la gouvernance est une construction permanente qui va s'appuyer sur la légitimité des acteurs, leur capacité à passer des accords (Marcelpoil et al., 2007) mais aussi à préserver l'intérêt de leur institution. Les différentes organisations doivent éviter de se mettre en porte à faux vis-vis de leurs administrés ou, plus largement de « leurs » parties prenantes (par exemple, l'instauration de quotas risque de mécontenter certains professionnels qui sont autant d'employeurs potentiels), tout en « contribuant » à un objectif collectif. Notre analyse s'appuiera sur la situation du golfe de St Florent en Corse. Confrontés à une diversité de trajectoires des flux touristiques et à une multiplicité de pôles de décision, le contrôle de la pression touristique suppose une forte coordination des acteurs. Méthodologie La méthodologie employée repose sur l'analyse des données à disposition en ligne (sites internet des différents organismes concernés) ainsi que sur la réalisation d'entretiens avec les acteurs institutionnels (Conservatoire du Littoral, Grand Site de la Conca d'Oru et maires des communes concernées). Cadre théorique Notre première partie s'attachera à analyser les expériences les plus emblématiques en la matière, notamment sur le PN des Calanques et le PN de Port Cros. En effet, certains sites naturels, ont engagé récemment des démarches expérimentales visant à en contrôler les externalités négatives. L'aménagement de parcours, des campagnes de communication et de sensibilisation, un appel à la responsabilisation des acteurs, l'instauration de péages, la limitation des jours et horaires d'accès à l'ensemble du site ou à certaines parties ne sont que quelques-unes des actions déjà mises en place (Vlès et Clarimont, 2017) ou projetées. La variété des mesures s'explique certainement par la nouveauté et la force de la problématique, mais plus encore par la multiplicité des acteurs, l'imbrication des territoires et la recherche d'une gouvernance globale qui semble difficile à atteindre. En effet, la plupart de ces mesures sont décidées par une organisation qui gère en toute autonomie un espace naturel. Dans notre analyse, qui se situe dans le cadre de ce que nous appelons la gouvernance multiple, nous distinguerons les mesures que l'on peut qualifier de normatives où une autorité dispose sur un territoire défini ou une portion de ce territoire d'un pouvoir direct d'intervention, de règlementation dont l'efficacité reste soumise aux conditions du respect de la règle. On les oppose généralement aux approches fondées sur la discussion et la négociation dont la réussite passe par l'adhésion ou a minima la coopération bienveillante des parties prenantes). Malgré l'intérêt que peuvent a priori présenter ces mesures, certains travaux font apparaitre que de nombreuses parties prenantes (gestionnaires, professionnels du tourisme, résidents, touristes…) montrent, pour des raisons diverses, de fortes réserves à leur instauration. Au-delà d'une efficacité restant à démontrer, plusieurs éléments sont mis en avant par les acteurs pour expliquer leur réticence à adhérer à une telle démarche (Vlès, 2021) : un cadre légal inadapté (Jolivet, 2016), un principe de libre accès à la nature, une acceptabilité sociale limitée ou encore une volonté des résidents de bénéficier d'une situation privilégiée. Ces éléments conditionnent la réussite de ces modes de gestion collective, rompant ainsi avec la dichotomie traditionnelle de gestion entre économie de marché et intervention publique (Ostrom, 2010). Pour illustrer ces oppositions et difficultés, nous nous appuierons, dans une deuxième partie sur la situation des plages de Saleccia et du Lotu en Haute-Corse qui constituent des hauts lieux emblématiques du littoral insulaire . Situées à proximité de la station touristique de St Florent, elles sont prises d'assaut dès l'ouverture de la saison estivale. La gestion des flux y a toujours posé problème et la règlementation de la diversité des usages a longtemps été conflictuelle. Cela tient très certainement à une gouvernance multipolaire (communes, conservatoire du littoral, Parc marin, Grand Site de France…), à la diversité des espaces concernés (marin, terrestre) et aux différences d'approche temporelle qui induisent des modalités de régulation souvent opposées mais aussi parfois menées de manière complémentaire. D'un côté, des visions ascendantes, participatives, souvent longues et incertaines recherchant l'adhésion des acteurs au travers d'arrangements multiples (Delaplace et al., 2017). De l'autre, une voie descendante plus normative, intégrant restriction et coercition. Dans l'accès à la plage de Saleccia, le second système a pris une certaine avance et semble fonctionner. Notre communication sera l'occasion de dresser un premier bilan de cette action et de s'interroger sur les conditions de sa pérennité.

Suggested Citation

  • Ionel Fedida & Jean-Marie Furt, 2025. "La gestion du surtourisme dans les espaces naturels, entre normalisation et participation," Post-Print hal-05127207, HAL.
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