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La stratégie comme pratique(s) : Ce que faire de la stratégie veut dire

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  • Florence Allard-Poesi

    (IRG - Institut de Recherche en Gestion - UPEM - Université Paris-Est Marne-la-Vallée - UPEC UP12 - Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne - Paris 12)

Abstract

L'intérêt des dirigeants pour les « solutions pratiques » fait écho aux préoccupations actuelles des chercheurs en management stratégique. Sous la bannière d'une approche envisageant la stratégie comme une pratique (strategy-as-practice), il s'agit d'étudier ce que font ‘réellement' les stratèges et de faire progresser la connaissance de ce que c'est que faire de la stratégie (strategizing). Un tel objet peut paraître d'évidence : Mintzberg (1974) ne décrivait-il pas déjà le travail quotidien des dirigeants ? Pettigrew (1985) n'étudiait-il pas les processus d'élaboration et de changement stratégique ? L'approche ‘pratique' de la stratégie revendique une certaine forme de rupture avec ces travaux antérieurs, notamment ceux s'inscrivant dans une approche processuelle de la stratégie (Johnson, Melin & Whittington 2003), en se rattachant au champ de la sociologie de la pratique : la théorie de la structuration de Giddens (1993, in Whittington, 1992 ; 2002 a ; 2003 ; Jarzabkowski, 2004), à la théorie de l'activité d'Engestrom (1987, in Blackler, 1993 ; Jarzabkowski, 2003), aux travaux de de Certeau (1990, in Whittington, 2002b), de Bourdieu (voir Oakes, Townley & Cooper, 1998), de Foucault (1975, in Knights & Morgan, 1991 ; Knights & McCabe, 2003) ou encore à ceux des ethnométhodologues (voir Samra-Fredericks, 2003). En dépit de cet héritage pour le moins hétérogène, les chercheurs en management stratégique convergent vers un intérêt commun pour ce qu'est le faire de la stratégie (the real work of strategizing). L'emploi de la notion de pratique et du gérondif résume le programme : la stratégie est envisagée comme une activité que les individus accomplissent alors qu'ils interagissent dans un contexte physique et social, par opposition à une caractéristique que l'entreprise aurait/n'aurait pas (Whittington, 2002a). Conçu comme une pratique sociale, ce faire stratégique est animé d'une tension dialectique entre la singularité d'un ici et maintenant propre à toute activité, et la récurrence et la généralité des routines, normes, règles, techniques et outils sur lesquels toute pratique s'appuie ; entre l'unicité de l'activité réalisée en situation (ce que l'on appelle la pratique, Whittington, 2002a : 4) et la répétition des artefacts socioculturels par lesquels l'activité stratégique est réalisée (artefacts que l'on appelle les pratiques, Whittington, 2002a : 4). Cette seconde dimension renvoie plus précisément pour la stratégie à des outils et techniques comme la planification stratégique, le Balanced ScoreCard –BSC- (Chesney & Wenger, 1999), à des routines sociales (modalités de communication, de contrôle Mantere, 2005 ; modalités d'interactions centre-périphérie, Regnér, 2003 par exemple), mais également aux pratiques discursives et symboliques (vocabulaires, récits, rhétorique et argumentation, Barry & Elmes, 1997 ; Vaara, Kleymann & Seristö, 2004) élaborées et véhiculées par les chercheurs et consultants et sur lesquelles les individus s'appuient pour faire et faire sens de la stratégie. Envisager la stratégie comme une pratique apparaît prometteur pour ces défenseurs. Cette approche suppose en effet de se rapprocher du praticien, de ce qu'il fait, vit et dit au quotidien, évitant par là « l'effet véranda » des approches processuelles de la stratégie (Johnson & al., 2003) et les « images pétrifiées » du travail véhiculées par la théorie des organisations (Barley & Kunda, 2001 : 82). Elle promet d'être plus à même de parler et de susciter l'intérêt des praticiens, voire de les aider dans leur pratique (Johnson & al., 2003 : 12). En ce qu'elle suppose d'étudier plus avant la myriade des micro-activités qui constituent la stratégie, l'approche est également susceptible de contribuer à la compréhension des origines de l'avantage concurrentiel, palliant par là les travers tautologiques de la théorie des ressources (Johnson & al., 2003, citant Priem & Butler, 2001). L'approche pratique de la stratégie promet enfin de lier, au travers de son objet, des aspects et courants théoriques jusqu'ici ‘artificiellement' séparés : la société, objet privilégié par le courant néo-institutionnaliste ; les microprocessus d'interactions et actions des individus dans leur contexte, objet privilégié par l'interactionnisme symbolique ou l'ethnométhodologie (Whittington, 1992 ; Barley & Tolbert, 1997). L'approche veut ainsi « replacer le micro dans le macro » (Johnson & al., 2003 : 6), et symétriquement de réintroduire la société dans l'étude de la stratégie (Knights & Morgan, 1995) : concilier l'acteur stratège et son intentionnalité avec le(s) contexte(s) institutionnel(s) dans le(s)quel(s) ses actions et intentions s'inscrivent (Whittington, 2002a). Cette ambition théorique, et la tension entre pratique et pratiques qui la sous-tend, résument sans doute le mieux ce qui constitue l'originalité et l'apport potentiel de l'approche. C'est à ces questions de l'articulation entre récurrence des pratiques stratégiques et singularité de la pratique stratégique dans son contexte, des liens entre macro et micro-contextes auxquels elle renvoie, que s'attachera ici le propos. Un examen des travaux se revendiquant de l'approche pratique de la stratégie et des héritages revendiqués par cette approche laisse ainsi apparaître des conceptions distinctes de cette dualité et de l'articulation entre ses pôles. L'approche pratique de la stratégie, s'inspirant des apports du néo-institutionnalisme et de la théorie de la structuration, donne à voir une pratique stratégique plastique, adaptée et adaptable aux spécificités des contextes et exigences des acteurs, et ce, en deçà d'une apparente similarité des pratiques stratégiques entre entreprises d'un même champ (Partie 1). Cette conception, dominante dans l'approche pratique de la stratégie, peut être rapprochée et contrastée d'un courant antérieur, envisageant lui aussi la stratégie comme une pratique sociale . Ce courant critique, s'inspirant notamment des travaux de Foucault, souligne le caractère accidentel et hétérogène de l'émergence et de la diffusion des pratiques stratégiques. Loin de la conception plastique qu'en développe l'approche actuelle, il révèle l'influence de ces pratiques sur les subjectivités des acteurs (Partie 2). Ces différentes conceptions de la pratique et des pratiques stratégiques donnent lieu à des figures contrastées de la stratégie, du stratège et de son vouloir.

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  • Florence Allard-Poesi, 2006. "La stratégie comme pratique(s) : Ce que faire de la stratégie veut dire," Post-Print hal-01495049, HAL.
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