Ethique et comptabilité

La comptabilité a longtemps été vue en France comme une technique. Sa vocation à être perçue comme une science pose le problème des fondements d'un cadre conceptuel. Aussi bien en France que dans les pays où la comptabilité bénéficie depuis plus longtemps d'un statut de discipline « noble », cadre conceptuel a généralement fait référence à la théorie économique plutôt qu'à des concepts de type philosophique. Cette démarche est, en cela, fidèle à la logique globale du management dans sa filiation avec la rationalité instrumentale et la primauté des valeurs économiques. Or, poser le problème des fondements éthiques de la comptabilité nous invite à dépasser le cadre de la déontologie professionnelle auquel il est souvent réduit pour aborder des questions qui jalonnent l'histoire de la philosophie telles que le rapport entre normes et valeurs, entre la réalité et sa représentation, ou encore le statut de la transgression. Mais emprunter à la philosophie pour fonder des éléments du cadre conceptuel de la comptabilité, voire de la totalité de ce cadre, suppose que l'on s'intéresse franchement aux domaines de la philosophie. Le champ philosophique distingue en effet classiquement les quatre domaines de l'esthétique, de la métaphysique, de l'éthique et de la politique, en d'autres termes le Beau, le Vrai, le Bien, le Juste. S'il est possible de puiser dans chacun de ces domaines des éléments propres à contribuer au fondement d'un cadre conceptuel de la comptabilité, une exploration du domaine de l'éthique et de la politique permettra d'appréhender plus spécifiquement des problèmes posés par la comptabilité. En raison de la primauté des valeurs économiques, déjà mentionnée, nous nous centrerons sur le champ philosophique qui se réfère à la valeur économique en pointant les questionnements qui lui ont été adressés. À cette fin, nous mobiliserons les pensées développées par les philosophes écossais dont A. Smith et A. Shaftesbury et leurs référents dans la philosophie contemporaine, c'est-à-dire Rawls, MacIntyre, Fukuyama pour essayer de démontrer que l'éthique et la comptabilité ne sont pas deux domaines séparés, bien au contraire.