La personnalisation à l’institutionnalisation de l’économie sociale et solidaire (ESS) aux Nations Unies. Entre innovation et continuité de la bureaucratie

Au cours de la dernière décennie, les agences des Nations Unies (ONU) ont développé diverses initiatives en faveur de la promotion de l'économie sociale et solidaire (ESS) : la création de l'UNTFSSE en 2013, l'adoption d'une résolution à la Conférence internationale du travail en juin 2022, l'Académie annuelle de l'OIT sur l'ESS, etc. Les réseaux transnationaux de l'ESS, qui tentent toujours de légitimer l'ESS au niveau international, citent souvent ces activités comme un soutien institutionnel fort à l'ESS. Cependant, cette affirmation soulève des questions quant à la place réelle des préoccupations de l'ESS dans le système des Nations Unies. L'hypothèse ici est que, malgré les grandes annonces, l'ESS (et les quelques agents qui la promeuvent) occupe une position marginale au sein des agences de l'ONU. Basé sur une série d'entretiens semi-directifs avec des agents de l'ONU, ce papier permet de comprendre pourquoi, malgré l'absence d'une ligne directrice générale, l'ESS a fait son chemin dans l'agenda de plusieurs agences de l'ONU. L'analyse suppose qu'avant d'être un intérêt institutionnel, cette appétence pour l'ESS est le résultat de l'engagement de plusieurs agents de l'ONU. L'objectif sous-jacent est également de comprendre si l'émergence de l'ESS au sein des agences de l'ONU a produit des "innovations" et des "changements" dans les institutions. L'ensemble de ce travail de recherche est facilité par la position de l'autrice en tant que doctorante bénéficiant d'une convention CIFRE. Cette spécificité française lui permet, parallèlement à ses activités de recherche, d'être chargée de mission pour ESS Forum International, l'un des principaux réseaux d'acteurs de l'ESS à l'échelle internationale. Cette position lui facilite donc l'accès au terrain et aux agents interviewés, qu'elle rencontre régulièrement dans le cadre de ses activités salariées. Outre les entretiens réalisés, cette communication s'appuie donc sur une observation participante et une analyse de documents d'archives.