La situation économique de la Norvège à la lumière de son budget national

[fre] La Norvège, avec un territoire fortement montagneux, grand comme la moitié de la France, une façade sur l'Atlantique d'environ 2.000 km. et une population clairsemée d'un peu plus de 3 millions d'habitants, offre l'exemple d'une nation dont la vocation maritime, après avoir fait sa grandeur du temps des Vikings, s'est de nouveau affirmée depuis moins d'un siècle et a permis l'essor économique du pays ; en 1903, ta Norvège a recouvré pacifiquement son indépendance politique vis-à-vis de la Suède, à laquelle elle était liée par un acte d'union depuis 1814. Elle a réussi à créer rapidement une économie prospère, qui lui assure un des niveaux de vie les plus élevés de l'Europe, un large développement social ainsi qu'une place relativement importante dans l'économie mondiale, grâce surtout à sa marine marchande, qui est aujourd'hui la troisième du monde et dont les recettes financent près de la moitié des dépenses de sa balance des payements courants. En plus des revenus de la mer, armement et pêche, ses ressources naturelles consistent surtout en produits forestiers, en minerais de fer et non ferreux, en pyrites, en houille blanche ; la mise en valeur de ces ressources, qui ne sont pas encore pleinement exploitées, ainsi que la création de son industrie et de sa marine marchande, a été effectuée rationnellement grâce en partie à une politique d'importation de capitaux, qui se poursuit encore à l'heure actuelle. Par contre, son sol montagneux et son rude climat se prêtent mal à l'agriculture ; le pays manque, en outre, de charbon. . Par sa conception même, l'économie norvégienne, libérale à l'origine, plutôt dirigiste à l'heure actuelle, a toujours été basée sur la division internationale du travail, à tel point qu'aujourd'hui, le commerce extérieur par habitant est le plus fort du monde et qu'il dépasse de loin celui des autres pays si l'on inclut les transactions invisibles, c'est-à-dire principalement le fret maritime. Son commerce extérieur a été largement intégré dans l'orbite de la zone sterling qui, avant la guerre, lui a fourni l'avantage de pouvoir convertir librement son excédent de sterling en devises des pays de l'Europe continentale (notamment de l'Allemagne) avec laquelle elle était en déficit. La Norvège était en excédent vis-à-vis la zone dollar. Ce système présentait, néanmoins, pour la Norvège l'inconvénient de n'être guère en mesure de se défendre contre les vicissitudes de la conjoncture mondiale, et elle a subi gravement les effets de la crise de 1931 sous la forme d'une baisse sensible de l'activité économique et de l'extension du chômage, ce qui a entraîné un certain déséquilibre social dont la Norvège ne s'était pas entièrement relevée en 1939. Par ailleurs, au cours de la dernière guerre, la Norvège a été le théâtre de sévères opérations militaires, tant au début de l'occupation en avril 1940, qu'au moment de la libération en mai 1945, qui, en plus des pertes humaines, ont provoqué une dévastation matérielle considérable, portant sur environ 1/5 de la valeur du capital réel du pays, les pertes ayant été particulièrement sensibles dans le cas de la marine marchande. La Norvège s'est attachée avec une ardeur remarquable à réparer les pertes subies, en même temps qu'elle étendait la base de son économie au moyen d'investissements intensifs qui, en 1949, ont représenté jusqu'à 37 % de son revenu national et dont le financement impliquait un régime d'austérité. En raison du chômage d'avant guerre, la politique norvégienne a eu pour principal objectif le plein emploi. Depuis 1945, cette politique de redressement et d'expansion a eu à faire face avant tout à un problème de balance de payements, à ta fois général, puisque la Norvège est importatrice de capitaux, et spécial en ce qui concerne la zone dollar, en raison de ses besoins urgents et extraordinaires de produits importés de cette zone, le problème étant particulièrement grave du fait que la Norvège n'est pas en mesure de convertir ses excédents £ en $. . Du point de vue politique extérieure, la Norvège qui, comme ses voisins Scandinaves, était traditionnellement neutre, a estimé qu'une telle attitude n'est plus à même de lui assurer une protection efficace. Il ne faut pas perdre de vue qu'à l'est du cap Nord, la Norvège a une frontière commune de 150 km. avec l'Union soviétique depuis 1945. C'est ainsi que la Norvège a résolument adhéré au pacte atlantique en déclinant une offre d'alliance de neutralité armée inter Scandinave proposée par la Suède et jugée peu réaliste par ses partenaires. La Norvège poursuit à présent un vigoureux effort de réarmement, qui vient s'ajouter à ses problèmes économiques. . La Suède avait également proposé un programme d'intégration économique à l'échelle Scandinave, qui fut provisoirement écarté par la Norvège pour des raisons diverses : divergence de politique extérieure, ainsi que différences d'évolution économique. Cependant, à l'heure actuelle, les ministres des Affaires étrangères se sont mis d'accord pour élaborer un programme d'union politique applicable à longue échéance. . Entre-temps, la Grande-Bretagne a proposé la création d'une certaine communauté financière avec les pays Scandinaves, dont les principes ont été adoptés en 1950 par les pays intéressés, sous le nom d'U.N.I.S.C.A.N. Jusqu'à présent, un large assouplissement a été introduit dans les transactions financières entre ces pays ; le reste du programme s'inscrit dans le cadre d'une œuvre à long terme. . L'importance pratique de l'U.N.I.S.C.A.N. pour la Norvège réside essentiellement dans le fait que, depuis la conclusion de cet accord, les restrictions britanniques ont été levées sur les crédits qui sont traditionnellement accordés aux armateurs norvégiens sous forme d'hypothèques sur les navires importés par la Norvège. Cette mesure facilitera l'expansion de la flotte norvégienne et apportera une solution partielle aux problèmes de sa balance de payements ; en effet, la rentabilité de l'armement permet à la fois d'amortir les dettes extérieures et de financer une partie du déficit de la balance commerciale. . En 1948, la Norvège adhéra au Plan Marshall dont elle a obtenu des dons en dollars correspondant à sa situation particulière ; elle est membre de l'O.E.C.E. et de l'Union européenne de Payements. . L'étude de l'économie norvégienne d'après guerre revêt un intérêt particulier pour les raisons suivantes : . La Norvège, quoique importatrice de capitaux, est un pays économiquement évolué, où les habitants portent un vif intérêt à la politique générale du pays qui est presque exclusivement conçue sous l'angle des problèmes économiques. Depuis la fin de la guerre, c'est le même parti (le parti travailliste, qui est encore actuellement au pouvoir) qui a basé tout son programme politique sur l'exécution rationnelle d'une certaine politique économique, financière et sociale, en grande partie inspirée par celle préconisée par Lord Keynes. Pour le guider dans l'élaboration et l'exécution de cette politique, il s'est basé sur les données détaillées des comptes annuels de la nation pour examiner systématiquement toutes les activités économiques, financières et même sociales du pays, tant de façon rétrospective que sous forme de prévisions, c'est-à-dire de budget ; celui-ci est continuellement révisé et discuté publiquement à la lueur de l'évolution des événements. C'est ainsi que l'intérêt d'une étude économique de la Norvège dépasse de loin celui d'une analyse technique des méthodes du budget national, qui seront également étudiées ici, mais elle constitue avant tout un cadre remarquable pour examiner les origines et les conséquences d'une politique fortement dirigiste, qui a été appliquée dans des circonstances difficiles et qui a défini clairement ses buts et ses méthodes, tant dans leurs lignes générales que pour chaque cas particulier. On dispose à présent d'éléments d'appréciation portant sur une période d'environ six ans, qui permettent de faire une analyse basée sur des éléments statistiques abondants et sûrs.