Les outils de gestion comme vecteurs de construction du sens : une relecture à travers l'oeuvre de Karl Weick

Certes, l'œuvre de Karl Weick n'aborde pas frontalement la question du statut des outils de gestion et de leur contribution à l'action collective. Ses apports à la réflexion sur l'instrumentation sont, de fait, dispersés, en filigrane de ses travaux, ou subordonnés à des considérations plus générales sur l'interprétation, la création de sens, l'action collective. L'ambition de Weick est d'arriver à comprendre le processus par lequel un individu ou un collectif arrive à faire sens des situations auxquelles il est confronté, avec pour enjeu d'améliorer l'acuité de ce processus (Giroux, 2003). Un porte-avion, une équipe de pompiers, un orchestre de jazz, une situation de vente aux enchères, etc., Weick a une prédilection pour l'étude de micro-situations dans lesquelles la construction du sens est déstabilisée par l'incertitude, la surcharge d'informations, l'équivocité, les phénomènes de dissonance cognitive1. Sa théorie du sensemaking constitue néanmoins une heuristique puissante pour dépasser la tradition rationaliste qui a longtemps dominé les conceptions de l'instrumentation de gestion, occultant son rôle dans les dynamiques organisationnelles. Nous revenons dans un premier temps sur les mécanismes de construction du sens tels qu'exposés par Karl Weick dans sa théorie du sensemaking (2.1). Ce détour nous sert de point d'appui pour ouvrir une perspective originale sur les outils de gestion : celle d'une ressource centrale dans le processus de construction du sens (2.2). Cette vision singulière du statut des outils et de leur rôle dans l'action collective est alors l'opportunité de repenser les rapports entre conception et usage des outils de même que leur contribution à la création de valeur (2.3).