Anselme Batbie : Un juriste en porte-à-faux dans l'économie politique libérale

Anselme Batbie n'a guère laissé de trace dans l'histoire de la pensée économique, si ce n'est comme titulaire de la première chaire d'économie politique créée dans une Faculté de droit en 1864 par le ministre de l'instruction publique de Napoléon III, Victor Duruy. Les enjeux de la création de cette chaire et les débats qui l'ont accompagnée ont ainsi éclipsé le personnage, volontiers décrit comme truculent, tout comme son enseignement. Un tel constat est d'autant plus étonnant que la position que lui conférait la chaire aurait pu faire de Batbie un porte-parole de l'école libérale à laquelle il appartenait, et qui cherchait alors, par tous les moyens, à convaincre de la supériorité du laissez-faire une opinion publique peu réceptive et un pouvoir politique tout aussi réticent. Il n'en a rien été. Comment l'expliquer ? Au-delà de la relative faible implication de Batbie dans les débats théoriques de son époque, en raison notamment de ses activités politiques, on montrera que ce qui a conduit à lui confier la chaire d'économie politique constitue également la principale raison du désintérêt pour sa contribution à l'économie, hier comme aujourd'hui : avant d'être économiste, Batbie est en effet juriste, auteur en particulier d'un volumineux Traité théorique et pratique de droit public et administratif en 7 volumes (1861-1868) qui lui a valu une reconnaissance certaine. Mais si cette qualité explique sans doute en grande partie le choix de Duruy de lui confier la chaire d'économie politique (§.I), elle le conduit également à défendre, en économie, des positions théoriques très éloignées de celles de ses collègues libéraux (§.II).