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Quand les juges se saisissent de la performativité du discours managérial

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  • Franck Aggeri

    (CGS i3 - Centre de Gestion Scientifique i3 - Mines Paris - PSL (École nationale supérieure des mines de Paris) - PSL - Université Paris Sciences et Lettres - I3 - Institut interdisciplinaire de l’innovation - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)

  • Blanche Segrestin

    (CGS i3 - Centre de Gestion Scientifique i3 - Mines Paris - PSL (École nationale supérieure des mines de Paris) - PSL - Université Paris Sciences et Lettres - I3 - Institut interdisciplinaire de l’innovation - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)

Abstract

Le jugement du tribunal d'instance de Paris du 20 décembre fera date. En reconnaissant la notion de harcèlement moral institutionnel dans l'affaire France Telecom, ce jugement constitue une rupture épistémologique dans l'approche du phénomène de harcèlement moral. En effet, il ne s'agit plus de l'appréhender dans le cadre de rapports interindividuels entre un manager et son subordonné mais comme le produit d'une politique d'entreprise systématique générateur d'agissements harcelants. Pour la première fois en France, la responsabilité de l'entreprise et des dirigeants est reconnue en droit en matière de harcèlement moral, justifiant ainsi son caractère « institutionnel ». La rupture épistémologique, que la lecture de ce jugement passionnant de 343 pages permet de révéler, est à la mesure de l'ampleur de la tâche qui était assignée aux juges. Si l'instruction proposait de reconnaître la responsabilité des dirigeants, la défense avait beau jeu de rappeler que l'accusation de harcèlement moral institutionnel aurait constitué une violation de l'impératif de prévisibilité de la norme légale, la jurisprudence ne reconnaissant qu'un harcèlement moral « direct » entre managers et subordonnés. Il faut dire que les juges ont toujours eu du mal à appréhender les phénomènes managériaux et organisationnels. Ces derniers échappent en effet à la logique judiciaire classique, qui repose sur la recherche d'une responsabilité individuelle fondée sur faits matériels étayés. Introduite en 2002, la notion de harcèlement moral ne déroge pas à cette règle : jusque-là, elle a été mise en évidence dans le cadre de relations interindividuelles. Pour établir une responsabilité d'entreprise, il est nécessaire d'entrer au coeur de la mécanique managériale. Or celle-ci ne se laisse pas aisément attraper. Car, pour paraphraser Michel Foucault, la logique managériale est « capillaire » : elle se fonde sur une multitude de dispositifs qui visent à agir à distance sur la conduite des subordonnés. Dans les grandes organisations, entre le directeur et l'opérateur de base, toute une chaîne de subordination est mise en place qui rend particulièrement difficile l'établissement d'une responsabilité directe et sans ambiguïté. Dès lors, comment établir de façon rigoureuse et nette une chaîne les ayant conduit à des agissements harcelants ? Comment démontrer que ces politiques ont des effets indirects avérés sur les conditions de travail des salariés victimes de harcèlement moral ? C'est ici qu'il faut revenir sur l'enquête et la nature de la démonstration apportée par les juges. A cet égard, la théorie de la performativité permet d'éclairer le raisonnement et la méthode d'investigation employée par les juges.

Suggested Citation

  • Franck Aggeri & Blanche Segrestin, 2020. "Quand les juges se saisissent de la performativité du discours managérial," Post-Print hal-02533449, HAL.
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