Les faits et les chiffres : sur la mesure de la performance

La culture du chiffre et de la performance s'est affirmée dans tous les compartiments de l'existence : consubstantielle à la manière dont sont présentés les résultats des entreprises, elle est aussi désormais celle par laquelle on juge le travail de chacun. Depuis les années 1980, la mesure de la performance n'est plus réservée à une catégorie particulière de la main-d'oeuvre, les ouvriers de l'entreprise taylorienne soumis à une organisation et des cadences décidées en dehors d'eux ; elle touche toutes les formes de travail, de l'employé au cadre supérieur, pris dans des reporting, objectifs et autres feuilles de temps. Dans le même mouvement, la gestion par la performance s'est largement introduite dans la sphère publique, constituant de plus en plus l'horizon auquel les décideurs souhaitent mesurer les résultats du système scolaire, des hôpitaux ou encore des forces de l'ordre. Cette évolution est un fait massif : rendre des comptes de manière chiffrée en fonction d'indicateurs est devenu une culture partagée ; l'accountability est la manière contemporaine d'établir les résultats de ce qui est entrepris dans la sphère de l'économie et de l'action institutionnelle. Elle prend sa forme la plus caractéristique avec la focalisation du débat public sur les chiffres de la croissance et le reflux du chômage qui devait résulter de leur amélioration, l'obtention d'une croissance supérieure étant l'aune de la réussite des politiques dans leur ensemble...