Les métamorphoses des groupes bancaires coopératifs français : soumission ou résistance à la norme de la valeur actionnariale

Les groupes bancaires coopératifs français ont été l'objet de profondes mutations et de restructurations de grande ampleur ces dix dernières années. La combinaison de leur caractère coopératif et concurrentiel, leur fait jouer un rôle particulier dans la régulation et l'organisation du système économique, qu'il est intéressant d'étudier : leur évolution pourrait contredire la suprématie de la loi de la valeur actionnariale comme principe de gouvernance de l'entreprise, et la thèse de la convergence inéluctable de toute forme d'entreprise vers la société anonyme de droit commun de type anglo-saxon. L'objectif de l'article est d'analyser les diverses évolutions et transformations récentes ou en cours, de nature juridique, réglementaire ou organisationnelle, pour tenter d'évaluer dans quelle mesure elles sont significatives d'un alignement des sociétés et groupes bancaires coopératifs français sur la forme SA de type anglo-saxon, et donc d'une convergence vers un mode de régulation par la valeur actionnariale ; ou au contraire, dans quelle mesure elles préservent un modèle spécifique, offrant une alternative par le biais d'un mode de régulation de type partenarial à l'européenne, distinct du modèle anglosaxon et en concurrence avec lui. Nous commencerons par situer les banques et groupes coopératifs français dans le débat sur la convergence des structures de gouvernance des entreprises vers le modèle anglo-saxon c'est-à-dire la norme de la valeur actionnariale. Nous montrerons qu'ils correspondaient bien, avant les restructurations récentes ou en cours, à un standard européen conforme à une régulation de type partenarial, et nous discuterons, dans les cas des banques coopératives, les arguments avancés par les auteurs anglo-saxons favorables à la thèse de la convergence (I). Nous analyserons ensuite les transformations du cadre juridique et réglementaire dans lequel elles évoluent, et la convergence avec les banques et les groupes SA "de droit commun" qui en découle (II). Nous étudierons alors les montages organisationnels retenus par les groupes bancaires coopératifs pour mener leurs restructurations, et leurs incidences en matière de gouvernance et de pratiques de gestion (III). Enfin, nous tenterons d'évaluer la spécificité de ce modèle rénové d'entreprise coopérative et sa capacité à soutenir une forme européenne de gouvernance d'entreprise et à se maintenir face au modèle anglo-saxon.